T : Lionel Chervaz / Genève – Suisse

Directeur du Secteur Petite Enfance de Budé

Il y a 28 ans environ, j’ai déposé ma candidature pour la direction d’une crèche d’une grande entreprise genevoise.

J’ai passé avec succès les 2 entretiens d’embauche, ainsi qu’un test psychologique (ouf). A la fin de ce processus la Direction des ressources humaines m’a confirmé l’intérêt pour ma candidature et a transmis mon dossier au Directeur Général pour validation.

Quelques jours plus tard, j’ai reçu un courrier et pensé qu’il m’annonçait une très bonne nouvelle. En fait non, ce courrier mentionnait simplement que le choix final s’était porté sur un autre candidat, ou plutôt une candidate devrais-je dire.

Ok, après avoir digéré la mauvaise nouvelle… je me suis dit que la candidate retenue devait avoir l’expérience qui me manquait à l’époque et que ce n’était pas si grave. C’était le premier poste de direction de crèche pour lequel je m’étais présenté … je réessayerais ailleurs.

Entre temps j’ai décidé d’acquérir de l’expérience sur le terrain en travaillant une année auprès d’enfants âgés entre 3 et 4 ans dans une autre crèche genevoise

Peu de temps après j’ai rencontré une enseignante d’une école de formation d’éducateur-trice-s de la petite enfance. Cette dernière m’a dit qu’elle avait été sollicitée pour la dernière phase d’engagement dans l’entreprise qui n’avait pas retenu mon dossier. J’ai enfin su la vraie raison de ce revirement de situation : la femme du Directeur Général lui a dit : « Attention, un homme dans une crèche … ce n’est pas normal ». Et sur ces simples mots … d’une personne étrangère au processus de sélection… ma candidature a été éjectée.

Des sentiments d’injustice et de colère sont montés en moi, mais j’ai décidé d’aller de l’avant et de retenter ma chance ailleurs.

Quelques mois plus tard la directrice de la crèche où je travaillais a décidé de démissionner pour réorienter sa carrière. J’ai immédiatement postulé et les parents du groupe d’enfants dont je m’occupais, ainsi que le comité de cette crèche ont plébiscité ma candidature. Ce fut alors mon premier poste de directeur de crèche… en 1996 !

J’avais rebondi et l’avenir m’a donné raison, puisque cela fait maintenant plus d’un quart de siècle que je dirige des structures d’accueil du jeune enfant.

Je me dis cependant que ce comportement rempli de préjugés peut réduire à néant tout espoir de faire carrière dans la petite enfance… en étant un homme.

Heureusement pour moi … j’ai croisé la route de parents et d’un comité qui m’ont soutenu et donné ma chance.

Lionel Chervaz