T : Christophe Boire / France – Suisse

Directeur du Secteur Petite Enfance de Champel

J’ai débuté mon expérience professionnelle en crèche à l’âge de 14 ans lors d’un stage.  Indécis quant au secteur dans lequel  j’allais exercer, j’ai effectué des stages dans le cadre de mes études dans le champ du médico-social, pédiatrique, gériatrique et petite enfance.

Suite à une expérience enrichissante en IME j’ai passé le concours d’éducateur de jeunes enfants et obtenu mon diplôme en 2004.

Première surprise, durant toutes mes études et dans les promos avant et après moi durant mon parcours, aucun homme. Même constat au niveau des formateurs : 1 seul. 1er constat, la difficulté à se projeter, à se construire ou  à se reconnaitre en tant qu’homme dans la profession car il n’y avait pas de « figure d’exemple ».

Pourquoi ? Car il y a 20 ans et encore parfois aujourd’hui, notre métier manque d’un regard sérieux, reconnu et valorisé à sa juste valeur, d’un vocabulaire ajusté à la réalité de notre métier, qu’il lutte contre les préjugés et parce que c’est un métier féminin donc moins bien rémunéré. Qui, en tant que professionnel de crèche n’a pas un jour entendu ?  « Bonne journée jouez bien ? Bonne sieste avec les enfants cet après-midi ? Sympa ton métier mais tu fais quoi toute la journée avec des bébés qui dorment ? »  «  Quoi 1400euros après 10 ans d’expérience pour t’occuper de bébés qui pleurent, non merci » Avec ce genre de propos et de réalité pas facile pour les écoles de motiver des jeunes garçons à s’orienter dans cette voie professionnelle.

A la sortie de ma formation,  j’ai exercé principalement dans la région lyonnaise, en tant qu’éducateur auprès des enfants en structure associative. Puis assez rapidement j’ai évolué sur un poste de direction ; d’une crèche associative à gestion parentale, puis une dizaine d’année au sein d’une association d’éducation populaire sur des postes de direction de crèches. Lors de ces expériences j’ai croisé 2 professionnels homme auprès des enfants.

Puis j’ai orienté ma carrière dans le secteur privé en tant que Coordinateur petite enfance pour 2 gestionnaires. Durant ces 9 années, j’ai croisé beaucoup plus d’hommes au sein des crèches, en direction mais aussi dans les services dits supports (RH, Education, Bâtiment…). Pourquoi ? Car il existe des différences de moyens entre le secteur privé et associatif : salaires, structures plus récentes, conditions de travail, formations annuelles.

Actuellement j’occupe un poste de Direction d’un secteur petite enfance sur Genève sur lequel  je compte 5 hommes sur la centaine de collaborateurs.

Sur les premières années je me sentais isolé. Il fallait presque se « défendre » dans certaines situations. J’étais  « un homme en crèche avant d’être éducateur de jeunes enfants en crèche » (celui à qui on peut confier planter un clou, revisser une chaise),  luttant contre le « fameux instinct maternel pour bien exercer sa profession » et contre l’idée d’un « autoritarisme naturel » que je devais incarner en tant qu’homme.

Quelques années plus tard avec la maitrise de mon métier et de mes fonctions, j’ai pris de l’assurance. J’ai élargi mes expériences en tant que formateur, jury et apporter mon témoignage et soutien aux sollicitations des écoles pour parler de mixité dans les équipes, promouvoir la place de l’homme et valoriser notre place au sein du secteur de la petite enfance.

Aujourd’hui je me sens reconnu en tant que professionnel avant mon genre pour mes compétences, mes connaissances, mes idées.

La société, les familles et les enfants sont prêts depuis longtemps à accueillir au sein des structures de la petite enfance des hommes. Cet équilibre, reflet de la société est même souhaité par les familles. Un homme au sein d’une équipe est complémentaire. Il  apporte un autre regard, une autre gestuelle, un autre ton aux histoires, aux endormissements, aux jeux, aux sorties. Il est régulateur dans les rapports entre adultes et apporte une certaine prise de recul, parfois dans certaines situations. 

A l’heure où les modèles familiaux se diversifient, où l’éducation vacille et questionne,  il est plus qu’important que soit facilité, accompagné et valorisé la place des hommes en structures de la petite enfance à tous les niveaux (en formation, auprès des enfants, dans les directions, dans les coordinations, dans les services RH, en politique…) .

C’est un fait, les hommes sont encore trop peu nombreux à travailler dans le champ de l’enfance.  Et même bien intégré, nous avons le besoin d’échanger sur nos pratiques, nos difficultés,  nos réalités. C’est l’un des objectifs de « H&EDE » que nous lançons avec Lionel.

Rassembler, valoriser et accompagner les professionnels homme dans le secteur de la petite enfance !

Le chemin de la mixité est encore long mais l’enjeu est important. Sa valorisation n’est pas une question de sexe. Chacun peut et doit contribuer à cette évolution.


Christophe Boire